Page:Tolstoï - Scenes de la vie russe.djvu/66

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tenir un adoucissement à leurs peines, ils subirent la vengeance de l’intendant, qui n’avait pas tardé à apprendre leur démarche. Ils eurent à supporter un redoublement d’exactions et de cruautés, et, pour comble de malheur, il se trouvait parmi eux de faux frères qui dénoncèrent leurs compagnons de servitude, de sorte que personne n’osait plus se fier même à son ami. L’inquiétude et l’effroi régnaient partout et la fureur du mal ne faisait qu’augmenter chez l’intendant.

On le craignait comme une bête fauve ; quand il apparaissait dans un village, tout le monde s’enfuyait comme devant un loup ; on se cachait où l’on pouvait pour se mettre à l’abri des brutalités de cet homme.

La peur qu’on avait de lui l’aigrissait encore davantage, excitait son ressentiment et développait dans son cœur une haine profonde. Alors les corvées se multipliaient, les coups pleuvaient de plus belle sur les pauvres martyrs. Souvent un meurtre débarrasse soudain le monde de la présence d’un tel monstre. Cette pensée hantait les paysans, elle faisait souvent