Page:Tolstoï - Scenes de la vie russe.djvu/80

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tendant, avec colère, lui intima l’ordre de parler.

— Je veux que tu me dises tout, s’écria-t-il ; ce ne sont pas tes discours, mais les leurs que je veux entendre. Si tu me dis la vérité, tu auras ta récompense. Mais si tu t’avises de me cacher quoi que ce soit, tu sentiras le knout. Crois-tu que je me gênerai plus avec toi qu’avec les autres ? Allons, Kajuscha, verse-lui un verre d’eau-de-vie pour lui délier la langue.

La cuisinière obéit, versa un plein verre de kirsch et le tendit au starosta. Celui-ci murmura une santé, avala la liqueur d’un seul trait et essuya ses lèvres en se disposant à répondre. « Advienne que pourra, se dit-il en lui-même. Ce n’est pas ma faute si l’on ne chante pas ses louanges ; puisqu’il veut la vérité, il l’entendra. »

Après s’être ainsi donné du courage, il commença :

— Les paysans murmurent, Michel Semenowitch, ils font entendre des plaintes amères.

— Mais parle donc ! que disent-ils ?

— Les uns disent que tu ne crois pas en Dieu.