Page:Tolstoï - Scenes de la vie russe.djvu/85

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— Il s’interrompait, leur répétant les paroles de l’Évangile : « Paix sur la terre et bonne volonté envers les hommes ; » puis il poussait ses chevaux et recommençait. Et la petite flamme joyeuse se balançait toujours au souffle du vent.

L’intendant ne riait plus, ; il baissait la tête ; la guitare était tombée de ses mains ; une sombre pensée s’était emparée de lui.

Il resta un moment plongé dans un noir silence, puis, ayant congédié le starosta et la cuisinière, il se hâta de se mettre au lit, où on l’entendit pousser des gémissements et s’agiter comme s’il eût eu à tirer d’une ornière un char de foin embourbé. Sa femme vint, tout inquiète, lui demander ce qu’il avait, mais elle eut beau prier et supplier, elle ne put tirer de lui d’autres mots que ceux-là, qu’il répétait constamment :

— Il m’a vaincu ! quelque chose m’a saisi ; c’est mon tour maintenant !

Sa femme lui adressait de tendres exhortations.

— Reprends courage, mon ami, lui disait-elle, lève-toi, et va congédier ces pauvres paysans.