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Page:Tolstoï - Souvenirs.djvu/149

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c’était tout à fait inutile, comme si j’étais déjà dans une situation morale tellement déplorable, que ce n’était plus la peine de m’occuper de mon extérieur.

Quand nous traversâmes la salle, Saint-Jérôme me tenant par le bras, Catherine, Lioubotchka et Volodia me regardèrent exactement du même air dont nous regardions la chaîne des forçats, qui passait tous les lundis sous nos fenêtres. Et quand je m’approchai du fauteuil de grand-mère pour lui baiser la main, elle se détourna et cacha sa main sous son mantelet.

« Oui, mon cher, dit-elle après un assez long silence pendant lequel elle me toisait de la tête aux pieds avec un regard tel, que je ne savais où mettre mes yeux et mes mains, je peux dire que vous récompensez bien ma tendresse et que vous êtes pour moi une vraie consolation. M. Saint-Jérôme, continua-t-elle en appuyant sur chaque mot, qui avait consenti sur ma prière à se charger de votre éducation, refuse à présent de rester dans ma maison. Pourquoi ? À cause de vous, mon cher. »

Elle se tut un instant et reprit d’un ton indiquant que son discours était préparé depuis longtemps :

« J’espérais que vous lui seriez reconnaissant de ses soins et de ses peines, et voilà que vous, blanc-bec, mauvais gamin, vous osez lever la main sur lui. À merveille ! c’est parfait !!! Je commence aussi à croire que vous êtes incapable de comprendre ce qu’est le savoir-vivre, qu’il faut avec vous d’autres moyens, des moyens bas… Demande tout de suite pardon, ajouta-t-elle durement et d’un ton d’autorité en me montrant Saint-Jérôme. Tu m’entends ? »

Je suivis la direction du doigt de grand’mère, et, ayant aperçu au bout le pan d’habit de Saint-Jérôme, je me détournai et demeurai immobile, le cœur comme mort.

« Allons ! Vous n’entendez pas ce que je vous dis ? »

Je tremblais des pieds à la tête, mais je ne bougeai pas.

« Coco ! s’écria grand’mère, qui s’aperçut probablement