Page:Tolstoï - Souvenirs.djvu/156

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— Je venais m’informer de votre santé, réplique timidement Vassili.

— Je suis en train de crever, voilà ma santé, » hurle Agathe Mikhaïlovna, toujours furieuse.

Vassili se met à rire.

« Il n’y a pas de quoi rire, et si je te dis de décamper, file ! Regardez-moi ce salaud ! Et ça veut se marier ! Veux-tu bien décamper ! »

Agathe Mikhaïlovna passa dans sa chambre en tapant des pieds et ferma la porte si fort que les vitres tremblèrent. On l’entendit pendant longtemps, à travers la cloison, invectiver tout et tout le monde, maudire la vie qu’elle menait, mettre tout sens dessus dessous et tirer les oreilles à son chat favori ; enfin la porte s’entrebâilla et le chat, lancé par la queue, vola au milieu de la chambre en poussant des miaulements lamentables.

« Je vois que le thé sera pour une autre fois, murmura Vassili. Au revoir.

— Ça ne fait rien, dit Nadioja en clignant de l’œil. Je vais regarder au samovar.

— Je veux en finir, poursuivit Vassili, qui se rapprocha de Macha, à peine Nadioja fut-elle hors de la chambre. Ou bien, j’irai tout droit à la comtesse ; je lui dirai : « Voilà ce que c’est ; » ou bien… je plante tout là et, ma foi, je me sauve au bout du monde.

— Et moi, tu me laisseras là…

— Ça me fait de la peine seulement à cause de toi. Sans ça, il y a beau temps, ma foi, que ce serait fait.

— Vassia, pourquoi est-ce que tu ne m’apportes pas tes chemises à repasser ? fit Macha après un instant de silence. Est-elle noire ! » ajouta-t-elle en le prenant par son col de chemise.

On entendit en bas la sonnette de grand’mère et Gacha ressortit de sa chambre.

« Qu’est-ce que tu lui veux, vilain gueux ? dit-elle en poussant Vassili, qui s’était levé précipitamment, vers la