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Page:Tolstoï - Souvenirs.djvu/231

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mère. Ce n’est pas du tout au quatrième degré — lui et Étienne sont issus de germains. Étienne est déjà officier, vous savez ? Il est seulement fâcheux qu’on le laisse trop libre. Il faut tenir la jeunesse !… Vous n’en voulez pas à une vieille tante de vous dire la vérité ? Je tenais Étienne très sévèrement, et je trouve que c’est nécessaire… J’y suis — voilà comment nous sommes parents : le prince Ivan Ivanovitch est mon oncle et il était l’oncle de votre mère. J’étais donc cousine germaine de votre maman, et non issue de germains… À propos, dites-moi : vous avez été chez le prince Ivan, mon ami ? »

Je répondis que j’allais y aller.

« Comment est-ce possible ! cria-t-elle. Cela aurait dû être votre première visite. Vous savez que le prince Ivan est comme un père pour vous. Il n’a pas d’enfants. Ses seuls héritiers sont vous et mes enfants. Il faut le soigner à cause de son âge, de sa situation, et de tout. Je sais que la jeunesse d’aujourd’hui ne tient pas compte des liens de famille et n’aime pas les personnes âgées ; mais croyez-en votre vieille tante qui vous aime et qui aimait votre maman ; votre grand’mère aussi, je l’aimais, j’avais beaucoup d’affection et de respect pour elle. Il faut absolument y aller, absolument. »

Je dis que j’irais certainement et me levai. La visite me paraissait suffisamment longue et je fis mine de m’en aller, mais elle me retint.

« Non, attendez une minute. Où est votre père, Lise ? Allez le chercher. Il sera si content de vous voir, » continua-t-elle en s’adressant à moi.

Au bout de deux minutes, le prince Mikhaïl entra. C’était un petit homme trapu, les vêtements extrêmement sales, la barbe pas faite, la physionomie presque stupide à force d’indifférence. Il ne fut pas le moins du monde content de me voir, en tout cas il ne le montra pas. La princesse, dont on voyait qu’il avait grand’peur, lui dit :