que Pierre Vassilevitch l’a engagé à se marier, l’en a même sommé, que papa ne voulait pas et qu’ensuite il lui a passé une fantaisie par la tête, une idée chevaleresque… C’est la bouteille à l’encre. Je commence seulement à comprendre notre père… »
Ce nom de père, au lieu de papa, me frappa douloureusement.
« Il est excellent homme, poursuivit Volodia, bon et intelligent, mais d’une légèreté ! Une vraie girouette… Il ne peut pas voir une femme de sang-froid ; c’est incroyable ! Tu sais qu’il n’en a pas connu une seule dont il ne soit devenu amoureux. Jusqu’à Mimi !
— Tu dis ?
— Je dis que j’ai appris il n’y a pas longtemps qu’il avait été amoureux de Mimi quand elle était jeune. Il lui faisait des vers et il y a eu quelque chose entre eux. Mimi en souffre encore. »
Volodia éclata de rire.
« Pas possible ! m’écriai-je stupéfait.
— La grande affaire, reprit Volodia redevenu sérieux, c’est notre famille. Ce mariage va lui faire grand plaisir. Sans compter qu’Eudoxie aura sûrement des enfants. »
Je fus tellement frappé du bon sens de Volodia et de sa prévoyance, que je ne sus que répondre. À cet instant, Lioubotchka vint nous rejoindre. « Alors, vous savez ? dit-elle avec une figure épanouie.
— Oui, répondit Volodia ; seulement, une chose m’étonne, Lioubotchka. Tu n’es plus une enfant au maillot. Comment peux-tu être contente que papa épouse une rien du tout ? »
Le visage de Lioubotchka se rembrunit et elle réfléchit.
« Volodia ! pourquoi une rien du tout ? Comment oses-tu parler ainsi d’Eudoxie ? Puisque papa l’épouse, c’est que ce n’est pas une rien du tout.
— Bon ! Une rien du tout… c’est une manière de parler ; mais tout de même…