Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/100

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avec plaisir. « Il est amoureux de Marianna, se disait-il ; j’aurais pu l’aimer de même. » Un sentiment tout nouveau d’attendrissement s’empara de lui. Quelque chose comme de l’amitié semblait naître entre les deux jeunes gens. Ils se regardèrent en riant.

« Par quelle porte entres-tu ? demanda Olénine.

— Par celle du milieu ; je vous conduirai jusqu’au marais ; là vous n’avez rien à craindre.

— Mais ai-je donc peur ? dit Olénine en riant ; va-t’en, et merci ; je trouverai mon chemin.

— Mais non, qu’ai-je à faire ? Comment n’avoir pas peur ? il nous arrive aussi, à nous autres, d’avoir peur, répondit le Cosaque en riant, pour ménager l’amour-propre de son compagnon.

— Entre chez moi, nous causerons, nous prendrons un petit verre, et demain matin tu t’en iras.

— N’ai-je pas où passer la nuit ? répondit Lucas ; l’ouriadnik m’a prié de revenir.

— Je t’ai entendu chanter hier soir, et puis je t’ai vu…

— Je fais comme les autres, dit Lucas en hochant la tête.

— Est-ce que tu te maries ? dis ? demanda Olénine.

— Ma mère voudrait me marier, mais je n’ai pas encore de cheval.

— Es-tu au service régulier ?

— Oh non ! je m’y prépare, mais je n’ai pas de cheval, et je ne sais comment m’en procurer un ; c’est pourquoi je ne puis encore me marier.

— Que coûte un cheval ?

— J’en ai marchandé un l’autre jour au delà du fleuve, un cheval nogaï, mais on ne le cède pas pour soixante monnaies.

— Consentirais-tu à être mon ordonnance ? Je te donnerai un cheval.

— Pourquoi me feriez-vous cadeau d’un cheval ? dit Lucas en riant. Dieu aidant, je m’en procurerai un.