Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/103

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Dmitri Andréitch.

— Eh bien ! Mitri Andréitch, que Dieu te garde ! Nous serons amis. Viens chez moi ; nous ne sommes pas riches, mais nous avons de quoi régaler nos amis. Je dirai à ma mère de t’apporter du fromage ou du raisin, si tu veux. Viens au cordon, j’y serai à ton service, je te mènerai à la chasse, au delà du fleuve, où tu voudras. Quel sanglier j’ai tué l’autre jour ! Quel dommage que je l’aie partagé entre les Cosaques ! Si j’avais pu prévoir, je t’en aurais apporté une part.

— C’est bon, merci. Mais n’attelle pas le cheval, il n’a jamais été aux traits.

— Quelle idée d’atteler un cheval ! Voilà ce que je propose, dit Lucas baissant la voix : je te mènerai chez mon ami Guireï-Khan ; il m’a engagé à venir sur la route des montagnes ; veux-tu y aller avec moi ? Je ne te trahirai pas ; je serai ton guide.

— Bien ! allons-y ensemble. »

Lucas paraissait tout à fait à l’aise ; il avait compris ses rapports avec Olénine. Son calme et la familiarité de ses manières étonnaient et choquaient même un peu Olénine. Ils causèrent longtemps ensemble, et il était tard quand Lucas se leva. Il tendit la main à Olénine et le quitta.

Olénine mit la tête à la fenêtre pour voir ce qu’il ferait. Lucas avançait, la tête baissée ; il prit le cheval, le mena hors de la cour, secoua vivement sa tête, monta à cheval avec l’agilité d’un chat, poussa le cri des djighites et lança son cheval à toute bride le long de la rue. Olénine avait cru qu’il irait faire part de sa bonne fortune à Marianna, et, bien qu’il ne l’eût pas fait, Olénine se sentait heureux comme jamais. Dans sa joie enfantine, il ne put s’empêcher de raconter à Vania le cadeau qu’il avait fait et de lui expliquer sa nouvelle théorie sur le bonheur, que Vania n’approuva pas, disant en français : l’argeane il n’y a pas — par conséquent, c’est une sottise.

Lucas passa à la maison, sauta à bas du cheval et