Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/113

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La nuit approchait quand Olénine songea à la soirée. L’invitation qui lui avait été faite le tourmentait ; il avait envie de l’accepter, mais il pensait avec effroi à ce qui pourrait s’y passer. Il ne devait s’y trouver ni Cosaques, ni femmes âgées, rien que des jeunes filles. Qu’en adviendra-t-il ? Comment se tenir ? Que dire ? Quel rapport pouvait-il y avoir entre lui et ces sauvages filles ? Béletsky lui avait parlé de rapports si étranges, si cyniques, et pourtant si chastes…

Il tremblait de se trouver dans la même chambre que Marianna, d’être à même de lui parler ; cela lui paraissait tout à fait impossible quand il se rappelait son port majestueux… Béletsky disait pourtant qu’il n’y avait rien de plus simple, et comment lui se comporterait-il avec Marianna ?

« Ce serait intéressant à savoir, pensait Olénine ; mais non, il vaut mieux ne pas y aller ! »

Il continuait à se torturer l’esprit, se demandant ce qui se passerait. Se croyant lié par sa parole, il sortit, ne s’étant décidé à rien, et arriva dans cette indécision jusqu’à l’habitation de Béletsky.

La cabane que celui-ci occupait était pareille à celle d’Olénine. Elle se dressait sur des pilotis élevés à deux archines de terre ; elle contenait deux chambres. Olénine monta un petit escalier très raide et entra dans la première pièce, garnie de lits de plume, de tapis, de couvertures rangées artistement et avec goût le long du mur de face. Sur les murs de droite et de gauche étaient suspendues des cuvettes en cuivre et des armes ; des melons d’eau et des courges se trouvaient sous les bancs. Il y avait un énorme poêle dans la seconde pièce, une table, des bancs et des images schismatiques. C’est là que Béletsky avait établi son lit de camp, ses malles, les mille brimborions de son nécessaire de voyage, et des portraits ; ses armes étaient attachées à un tapis suspendu au mur. Une robe de chambre en soie était jetée sur un banc. Bé-