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Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/120

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Marianna se rejeta sur Olénine et le poussa de la hanche.

« Ce que je pensais naguère, et l’amour, et le sacrifice, et Loukachka, tout n’est que niaiserie ; il n’y a que le bonheur qui soit vrai ; qui sait être heureux a raison ! » Ces pensées traversèrent comme un éclair l’esprit d’Olénine ; il saisit la belle Marianna avec une force qu’il ne se connaissait pas et l’embrassa sur la joue et sur la tempe. Elle ne se fâcha pas, mais éclata de rire et courut rejoindre ses compagnes.

Ainsi finit la petite fête. La mère d’Oustinka revint de l’ouvrage, gronda vertement les jeunes filles et les mit dehors.


XXVI


« Oui, pensait Olénine en revenant chez lui, si je lâchais la bride à ma volonté, je deviendrais éperdument amoureux de cette fille cosaque. » Il se mit au lit avec cette pensée, tout en se disant que cette lubie passerait et qu’il reviendrait à son existence habituelle.

Mais l’ancienne existence ne revint pas ; ses rapports avec Marianna avaient changé, l’entrave qui les séparait était rompue ; Olénine accostait la jeune fille chaque fois qu’il la rencontrait.

Le khorounji, après avoir reçu le prix du loyer, s’était convaincu de la richesse et de la générosité d’Olénine et l’avait invité chez lui. La vieille femme l’accueillait avec bienveillance, et, après la petite fête chez Ouslinka, Olénine allait souvent passer ses soirées chez son hôte, où il restait jusqu’à la nuit. Rien ne paraissait changé à sa manière de vivre, et pourtant son âme était entièrement bouleversée. Il passait la journée dans la forêt, et vers les huit heures, au crépuscule, il entrait chez ses hôtes,