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Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/13

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part de ses revenus il pouvait dépenser par mois. Après avoir pris son thé, le soir, il se dit qu’il lui restait jusqu’à Stavropol les sept onzièmes de la route à faire, qu’il devait économiser strictement pendant sept mois pour payer toutes ses dettes, et qu’elles lui prendraient la huitième partie de sa fortune. Après cela, il se calma, s’enfonça dans son traîneau et commença à sommeiller.

La voix de Vania et un moment d’arrêt interrompirent son sommeil ; à demi endormi il changea de traîneau et continua sa course.

Le lendemain c’était de nouveau les relais, le thé, la croupe des chevaux trottant rapidement, de courtes conversations avec Vania, les mêmes rêves indécis et le profond sommeil de la jeunesse pendant la nuit.


III


Arrivé sur le Territoire des Cosaques du Don, il changea son traîneau pour une charrette ; passé Stavropol, l’air devint si tiède qu’Olénine se débarrassa de sa pelisse. On était en plein printemps, printemps inattendu qui ravit le jeune homme. Il ne voyageait plus de nuit, on ne lui permettait pas de quitter la stanitsa le soir, — il y avait du danger. Vania en fut alarmé et tenait son fusil chargé. Olénine se sentait de plus en plus heureux. À un des relais le chef lui parla d’un meurtre affreux commis depuis peu. On apercevait des gens armés sur la route. « Voilà où commence la nouvelle ère ! » se dit Olénine, et il attendait avec impatience les montagnes aux cimes de neige, dont on lui avait tant parlé. Un soir, le yamchtchik lui indiqua du bout de son fouet la chaîne qui s’estompait au-dessus des nuages. Olénine y porta avidement ses regards — mais les montagnes s’effaçaient dans la vapeur des nuées. — Olénine aperçut quelque chose de vague, de gris, de