Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/134

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une corde et, les excitant avec une longue branche, les ramenait à la stanitsa. Elle s’occupait du bétail au crépuscule, puis elle remplissait sa large manche de graines et allait se divertir avec les autres filles au coin de la rue. Mais, dès que les dernières lueurs du couchant s’éteignaient, elle rentrait, soupait avec ses parents et son jeune frère. Elle s’asseyait sur le poêle et écoutait les récits du locataire. Quand il s’en allait, elle se jetait sur son lit et dormait profondément d’un sommeil calme jusqu’au matin. Le lendemain, elle recommençait la même existence. Elle n’avait pas vu Lucas depuis ses fiançailles et attendait avec calme le jour du mariage. Elle s’était habituée à Olénine et voyait avec plaisir ses regards sans cesse attachés sur elle.


XXX


Malgré la chaleur suffocante et les essaims de moucherons qui bourdonnaient à l’ombre de l’arba, malgré les mouvements de son frère qui la poussait, Marianna, couverte de son mouchoir, allait s’endormir, quand Oustinka accourut et, se glissant sous l’arba, se coucha auprès d’elle.

« Dormons ! dormons ! dit Oustinka, s’arrangeant près de sa compagne.

— Attends ! s’écria-t-elle, ce n’est pas bien ainsi. »

Elle sauta sur ses pieds, courut chercher quelques branches vertes, en couvrit les roues de l’arba des deux côtés et jeta par-dessus les bechmets.

« Laisse-nous ! cria-t-elle au petit garçon, en se glissant sous le chariot ; est-ce ici la place d’un Cosaque ? Va-t’en ! »

Restée seule avec sa compagne, Oustinka l’enlaça soudainement de ses bras et se mit à l’embrasser sur le cou et les joues.

« Cher petit frère ! disait-elle, en riant de son rire sonore et perçant.