Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

rapine, est le trait qui les caractérise. La puissance de la Russie ne s’y fait sentir que par les troupes qui y cantonnent en passant, par quelque gêne qu’on impose à leurs élections et par la défense d’avoir des cloches à leur chapelle schismatique. Le Cosaque a, au fond, moins de haine pour le djighite[1] qui a tué son frère, que pour le soldat russe qui loge chez lui pour défendre sa stanitsa, mais qui fume dans sa cabane[2]. Il estime son ennemi le montagnard, et méprise le soldat, qu’il regarde comme un intrus. Le paysan russe est pour le Cosaque un être grossier et sauvage ; il croit le voir dans les marchands ambulants et les Petits-Russiens qui pénètrent parfois dans la stanitsa et auxquels les Cosaques donnent un nom méprisant. La suprême élégance du Cosaque consiste à imiter le costume tcherkesse. C’est chez les Circassiens qu’ils se procurent les plus belles armes, qu’ils volent leurs meilleurs chevaux. Les jeunes Cosaques se font fort de parler le tatare[3], et le parlent entre eux quand ils sont en veine de s’amuser. Malgré cela cette petite tribu chrétienne, jetée dans un coin isolé de l’univers, entourée de musulmans à demi sauvages, cette petite tribu conserve le sentiment de sa dignité, n’estime que le Cosaque et méprise tout le reste de l’humanité.

Le Cosaque passe son temps au cordon, ou bien en expédition militaire, à la chasse ou à la pêche. Il ne travaille presque jamais à la maison ; s’il y est, c’est par exception » et alors il s’amuse, c’est-à-dire il boit. Le Cosaque fabrique lui-même son vin, et l’ivrognerie chez lui n’est pas un vice, mais un usage, qu’il doit observer strictement. La femme est pour lui la source du bien-être ; une jeune fille peut être oisive et s’amuser, mais la femme mariée doit travailler toute sa vie jusqu’à la vieillesse la plus avancée,

  1. Tcherkesse.
  2. Fumer le tabac est strictement défendu aux schismatiques, qui le regardent comme un péché.
  3. Langue nationale des Tcherkesses et des Tchétchènes.