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Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/236

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hommes hors de combat ! Je ne comprends pas comment j’en suis sorti vivant ! »

À l’autre extrémité du boulevard, ils virent surgir la tête bandée de Mikhaïlof, qui venait à leur rencontre.

« Vous êtes blessé, capitaine ? lui demanda Kalouguine.

— Oui, légèrement ! par une pierre, répondit Mikhaïlof.

— Le pavillon est-il déjà amené ? fit le prince Galtzine, regardant par-dessus la casquette du capitaine et ne s’adressant à personne en particulier.

— Non, pas encore[1], dit Mikhaïlof, très désireux de montrer qu’il savait le français.

— L’armistice dure-t-il encore ? » demanda Galtzine en lui adressant poliment la parole en russe, ce qui semblait vouloir dire au capitaine : — Je sais que vous parlez difficilement le français ; pourquoi ne pas parler russe tout simplement ? Sur ce, les aides de camp s’éloignèrent de Mikhaïlof, qui se sentit, comme la veille au soir, très isolé ; ne voulant pas frayer avec les uns et ne se décidant pas à aborder les autres, il se borna à saluer quelques personnes et s’assit près du monument de Kazarsky pour fumer une cigarette.

Le baron Pesth fit aussi son apparition sur le boulevard ; il raconta qu’il avait pris part à la négociation de l’armistice, qu’il avait causé avec des officiers français, et que l’un d’eux lui avait dit :

« Si le jour était venu une demi-heure plus tard, les embuscades auraient été reprises. »

À quoi il lui aurait répondu :

« Monsieur, je ne dis pas non, pour ne pas vous donner un démenti. »

Et sa réponse le remplissait d’orgueil.

En réalité, bien qu’il eût assisté à la conclusion de l’armistice et qu’il eût grande envie de causer avec des Français, chose particulièrement amusante, il n’avait rien dit

  1. En français dans le texte.