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Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/239

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« Ils ne sont pas jolis, ces b… de Russes, dit un zouave.

— De quoi est-ce qu’ils rient ? demande un autre avec un fort accent italien.

Le caftan bonn ! recommence le hardi soldat en examinant les pans brodés du zouave.

— À vos places, sacré nom ! » crie à ce moment un caporal français.

Et les soldats se dispersent de mauvaise humeur.

Cependant notre jeune lieutenant de cavalerie fait la roue dans un groupe d’officiers ennemis.

« Je l’ai beaucoup connu, le comte Sasonof, dit l’un de ceux-ci ; c’est un de ces vrais comtes russes, comme nous les aimons.

— J’ai aussi connu un Sasonof, reprend l’officier de cavalerie, mais il n’était pas comte, que je sache ; c’est un petit brun, de votre âge à peu près.

— C’est ça, monsieur, c’est lui. Oh ! que je voudrais le voir, ce cher comte ! Si vous le voyez, faites-lui bien mes compliments. — Capitaine Latour, ajouta-t-il en s’inclinant.

— Quelle triste besogne nous faisons ! Ça chauffait cette nuit, n’est-ce pas ? reprend l’officier de cavalerie, désireux de soutenir la conversation et montrant les cadavres.

— Oh ! monsieur, c’est affreux ; mais quels gaillards, vos soldats ! C’est un plaisir que de se battre avec des gaillards comme eux.

— Il faut avouer que les vôtres ne se mouchent pas du pied non plus », répond le cavalier russe en saluant, persuadé qu’il a fort bien reparti.

Mais assez sur ce sujet ; regardez plutôt ce gamin de dix ans, coiffé d’une vieille casquette usée appartenant sans doute à son père, les jambes nues et les pieds chaussés de grands souliers, vêtu d’un pantalon en cotonnade retenu par une seule bretelle ; il est sorti des fortifications