Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/306

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clair se déroulant et se développant tour à tour, sillonné çà et là par des éclairs ou troué de points noirs : tous les sons se confondaient dans le fracas d’un seul roulement continu. « C’est l’assaut », dit l’officier, pâlissant d’émotion et tendant la lunette au marin.

Des Cosaques, des officiers passèrent à cheval sur la route, précédant le commandant en chef en calèche accompagné de sa suite ; leurs figures exprimaient l’émotion pénible de l’attente.

« C’est impossible qu’il soit pris ! dit l’officier à cheval.

— Dieu du Ciel, le drapeau ! regarde donc ! » s’écria l’autre, suffoqué par l’émotion, et il s’écarta de la lunette. Le drapeau français sur le mamelon de Malakoff !

— Impossible ! »


XXIV


Koseltzoff aîné, qui avait eu le temps pendant la nuit de gagner et de reperdre tout son gain, y compris même les pièces d’or cousues dans les parements de son uniforme, dormait vers le matin dans la caserne du cinquième bastion d’un sommeil lourd mais profond, lorsqu’éclata le cri sinistre, répété par différentes voix : « Alarme ! »

« Réveillez-vous, Mikhaïl Sémenovitch ! c’est l’assaut ! lui cria une voix à l’oreille.

— Une farce d’écolier », répondit-il en ouvrant les yeux sans croire à la nouvelle. Mais, lorsqu’il aperçut un officier pâle, agité, courant égaré d’un coin dans un autre, il comprit tout, et la pensée qu’on le prendrait peut-être pour un lâche se refusant de rejoindre sa compagnie dans un moment critique lui porta au cœur un coup si violent qu’il se précipita dehors et courut d’un trait retrouver ses soldats. Les canons étaient muets, mais la fusillade battait son plein, les balles sifflaient, non pas isolément, mais par