Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/308

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menton la figure du docteur, qui examinait sa plaie sans lui causer la moindre douleur ; celui-ci, l’ayant recouverte de la chemise du blessé, essuya ses doigts aux pans de son paletot et, détournant la tête, passa, silencieux, à un autre. Koseltzoff suivait machinalement des yeux ce qui se faisait autour de lui, et, se reportant par le souvenir au cinquième bastion, ce fut avec une douce satisfaction qu’il se rendit justice : il avait vaillamment rempli son devoir ; c’était même la première fois, depuis qu’il était au service, qu’il l’avait rempli de façon à n’avoir rien à se reprocher. Le médecin, qui venait de panser un autre officier, l’indiqua au prêtre qui avait une grande et belle barbe rousse, et qui se tenait là avec une croix.

« Est-ce que je vais mourir ? » lui demanda Koseltzoff en le voyant s’approcher.

Le prêtre ne répondit rien, récita une prière et lui présenta la croix.

La mort n’effrayait pas Koseltzoff ; portant de ses mains affaiblies la croix à ses lèvres, il pleura.

« Les Français sont-ils repoussés ? demanda-t-il au prêtre d’une voix ferme.

— La victoire est à nous sur toute la ligne, répondit ce dernier, pour consoler le mourant en lui cachant la vérité, car le drapeau français flottait déjà sur le mamelon de Malakoff.

— Dieu merci ! » murmura le blessé, dont les larmes coulaient, sans qu’il s’en doutât, le long de ses joues. Le souvenir de son frère traversant pour une seconde son cerveau : « Dieu veuille lui accorder le même bonheur ! » se dit-il.


XXV


Mais tel ne fut pas le sort de Volodia. Pendant qu’il écoutait une histoire que lui contait Vassine, le cri