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LES COSAQUES



I


Le calme régnait dans les rues de Moscou ; on n’entendait qu’à de rares intervalles un grincement de roues sur la neige. Plus de lumière aux fenêtres, les réverbères même étaient éteints. Le son des cloches commençait à vibrer sur la ville endormie et annonçait l’approche du matin. Les rues étaient désertes : ici on apercevait un cocher de fiacre qui sommeillait dans l’attente d’un passant attardé ; là une vieille femme s’acheminait vers l’église, où les cierges allumés jetaient une lueur vacillante sur les châssis dorés des images. La population ouvrière s’éveillait petit à petit, recommençant son rude labeur après le repos d’une longue nuit d’hiver.

Mais la jeunesse oisive n’avait pas encore achevé sa soirée.

À une des fenêtres de l’hôtel Chevalier on voyait à travers les fentes du volet fermé la lumière interdite par la loi. Une voiture, des traîneaux, des fiacres et une troïka de poste stationnaient à la porte de l’hôtel. Le portier, enveloppé dans sa pelisse, se serrait à l’angle de la maison.

« Que restent-ils là à baguenauder toute la nuit ? se demandait un garçon d’hôtel, le visage pâle et tiré, assis