Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/72

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

côté, regardait en dessous la petite poule. Jérochka lui-même était étendu sur le dos sur un lit trop court, placé entre le poêle et le mur ; il était en chemise et avait appuyé ses pieds contre le poêle ; il arrachait de ses gros doigts les croûtes que les écorchures de l’épervier, qu’il dressait sans mettre de gants, y avaient laissées. La chambre était imprégnée d’une odeur forte et désagréable que le vieux Cosaque portait partout avec lui.

« Es-tu à la maison, diadia ? dit en tatare sous la fenêtre une voix perçante, que le vieux reconnut tout de suite pour celle de Loukachka.

— J’y suis ! entre, voisin Marka ! cria-t-il ; est-ce Lucas Marka qui est venu voir le diadia ? T’en vas-tu au cordon ? »

L’épervier tressaillit aux cris du patron et battit des ailes, s’efforçant de s’arracher de son attache.

Le vieux Cosaque aimait Lucas, qu’il excluait du mépris dont il enveloppait la jeune génération. Lucas et sa mère, voisins du vieux, lui apportaient souvent du vin, de la caillebotte et autres produits de leur ménage, qui manquaient à Jérochka. Celui-ci, qui toute sa vie n’avait vécu que de l’entraînement du moment, expliquait d’une manière toute pratique la bonté de ses voisins. « Ces gens sont aisés, se disait-il à lui-même ; je leur apporte des faisans, du sanglier, et eux, à leur tour, me donnent des gâteaux et des galettes. »

« Bonjour, Marka ! heureux de te voir, » criait gaiement le vieux, et, descendant vivement ses pieds nus, il fit quelques pas sur le plancher, qui craquait ; il regarda ses pieds ; quelque chose le frappait plaisamment, il se mit à rire, frappa des talons à terre et fit un pas de danse. « Est-ce bien ? » demanda-t-il ; et ses petits yeux étincelaient.

Lucas sourit à peine.

« T’en vas-tu au cordon ?

— Je t’apporte le vin que je t’ai promis.

— Que le Christ te sauve ! » dit le vieux, et, ramassant