Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/9

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« À propos, dit-il, tu feras, n’est-ce pas ? mes comptes avec Chevalier, et tu me les enverras ?

— Oui, oui », répondit l’autre en mettant ses gants, et il ajouta d’une manière tout à fait inattendue : « Comme je t’envie de partir !

— Eh bien ! partons, dit le voyageur, s’enveloppant dans sa pelisse et faisant place dans le traîneau à celui qui l’enviait. Sa voix tremblait.

— Adieu, Mitia ! dit son ami, que Dieu t’accorde… » Il s’arrêta — lui-même ne lui désirait pas autre chose que de partir au plus vite.

Ils se turent un moment, puis quelqu’un cria : « Adieu ! » un autre : « Partez ! » et le yamchtchik fouetta ses chevaux.

« Elisar ! ma voiture ! cria un de ceux qui restaient. Les cochers agitèrent les rênes, les roues de la voiture grincèrent sur la neige.

— Quel excellent garçon que cet Olénine ! dit l’un des jeunes gens, mais quelle idée d’aller au Caucase, et d’y aller comme porte-enseigne ! Je n’y serais allé pour aucun prix. Dînes-tu au club, demain ?

— Certainement. »

Et les jeunes gens se séparèrent.

Le voyageur avait chaud, il s’assit au fond du traîneau et déboutonna sa pelisse. Les trois chevaux au poil hérissé l’emportèrent de rue en rue, dans l’obscurité, passant devant des maisons qu’il n’avait jamais vues. Olénine se dit que les partants seuls passent par de pareilles rues. Tout était sombre, silencieux et lugubre autour de lui, et son âme débordait de souvenirs, d’affections et de regrets.



II


« Quels braves cœurs ! que je les aime ! » répétait-il, et ses larmes étaient prêtes à couler. Mais pourquoi ? et qui