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Page:Tolstoi - La Pensée de l’humanité.djvu/295

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2. Nous nous révoltons devant les crimes de la chair : excès de table, coups de poing, adultère, meurtre ; et nous considérons avec beaucoup de légèreté les crimes de la parole : médisance, offense, trahison, publication de paroles mauvaises et dépravantes, et, cependant, les conséquences des crimes commis par la parole sont bien plus graves que les crimes commis par la chair. La seule différence entre les deux catégories est en ce fait que le mal des crimes de la chair s’aperçoit immédiatement, tandis que nous ne remarquons pas le mal du crime commis par la parole, parce qu’il se manifeste loin de nous, dans le temps et dans l’espace.

3. Il y avait une nombreuse réunion, plus de mille personnes, dans un grand théâtre. Au milieu du spectacle, un sot voulut plaisanter et cria : « Au feu ! » Le public s’élança vers les portes. Tous se ruèrent, s’écrasant, et lorsque le calme revint, on constata que 20 personnes étaient tuées et 50 blessées. Ce grand mal n’a été causé que par une sotte parole. Ici, au théâtre, le mal causé est perceptible immédiatement, mais souvent une sotte parole cause lentement bien plus de mal encore, quoiqu’on ne le remarque pas immédiatement.

4. Rien n’encourage l’oisiveté autant que les vains discours. Si les gens se taisaient, au lieu de dire les bêtises pour chasser l’ennui de l’oisiveté, ils n’auraient pu supporter celle-ci et se mettraient à travailler.