Page:Tolstoi - La Pensée de l’humanité.djvu/364

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pouvons nous entretenir, avec le témoin qui est en nous, qui est Dieu, nous entretenir, alors que le monde nous méprise, nous manque de respect et nous prive d’amour. THOMAS A KEMPIS.[1]

2. Si quelque divinité nous avait offert, à nous, hommes, de supprimer tous nos chagrins, avec toutes leurs causes, nous serions, de prime abord, très tentés d’accepter cette proposition. Lorsque le dur travail et la misère nous écrasent, lorsque la douleur nous mine, lorsque l’anxiété étreint notre cœur, il nous semble qu’il n’y aurait rien de meilleur que de vivre sans travailler, dans le calme, l’aisance et la paix. Mais après avoir goûté à une telle vie, je pense que nous aurions bientôt demandé à la divinité de nous rendre notre vie ancienne, avec toutes ses peines, ses misères, ses chagrins et ses dangers. La vie, exempte de tout chagrin et de toute crainte, nous semblerait bientôt non seulement peu intéressante, mais encore intolérable. Car, avec les causes de nos peines, tous les obstacles, tous les dangers et tous les échecs auraient disparu, supprimant avec eux la tension de nos forces, le zèle, l’excitation du risque, les efforts de la lutte et les joies de la victoire. Il ne resterait que l’accomplissement facile du but, la réussite sans résistance. Nous en serions bientôt, ennuyés comme d’un jeu où nous savons d’avance que nous gagnerons à chaque coup. FR. PAULSEN.[2]

  1. Ou Thomas Hemerken, auteur présumé de l’Imitation de Jésus-Christ. (NDT)
  2. Philosophe allemand, de tendance néo-kantienne, professeur à l’Université de Berlin (NDT).