Page:Tolstoi et les Doukhobors.djvu/143

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temps, au Caucase, se trouvaient en déportation quelques personnes que le gouvernement considérait comme les « agents de Tolstoï ». Mais, bien que cette supposition du gouvernement puisse paraître naturelle, néanmoins elle était tout à fait erronée. Pour quiconque connaît un peu le caractère intime du mouvement des Doukhobors, il ne peut y avoir l’ombre d’un doute qu’aucune chute morale temporaire ne pouvait anéantir, dans la conscience des Doukhobors, les croyances dont ils étaient depuis si longtemps et si profondément pénétrés. Élevés dans les traditions pures et nobles, transmises de génération en génération, et fortifiées par les traditions et le martyrologe de leurs pères et de leurs ancêtres, les Doukhobors ne pouvaient pas, le voulussent-ils, se débarrasser de leur conscience spirituelle et vivre dans l’indifférence, contrairement à toutes les exigences de leur conscience et de leur raison. Pour cela, il leur eût fallu s’étourdir incessamment par des moyens artificiels, en étouffant la conscience et en abrutissant la raison, comme en effet le font maintenant[1], à l’aide du vin, du tabac,

  1. Le lecteur ne doit pas oublier que cet article date de 1898, c’est-à-dire avant l’émigration des Doukhobors au Canada. N. d. T.