Page:Tolstoi et les Doukhobors.djvu/82

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nous étions déjà prêts à y aller, pourquoi nous avoir frappés ? »

« — Ah ! tu oses parler », cria le commandant, et de nouveau avec les Cosaques il se jeta sur nous. Nous fûmes battus à coups de fouet et pendant longtemps, quelques Cosaques même en avaient honte ; et deux Cosaques, au lieu de nous frapper, faisaient siffler leurs fouets en l’air sans toucher personne. Le sous-officier s’en aperçut et prévint le commandant, et celui-ci s’approchant de l’un d’eux cria :

« — Tu trompes le tsar ! »

« Et il le frappa si fortement au visage que le sang jaillit de son nez. Enfin on cessa de frapper et nous tous, meurtris et sanglants, serrés les uns contre les autres, allâmes chez le gouverneur. Les femmes marchaient avec nous ; mais les Cosaques les éloignèrent en disant qu’il ne fallait pas de femmes ; celles-ci répondirent qu’elles suivraient partout leurs frères spirituels. Le commandant donna l’ordre de les battre par le fouet, mais elles crièrent que, dût-on les couper en morceaux, elles suivraient quand même.

« Les Cosaques les laissèrent.

« Nous étions déjà un peu loin, quand nous nous rappelâmes que nous avions