Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/226

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vrer de ces petits soucis misérables auxquels vous ne devez pas vous abaisser ; c’est une main de femme qu’il faut ici. Me laisserez-vous faire ? »

Karénine se tut et lui serra la main avec reconnaissance !

« Nous nous occuperons tous deux de Serge. Je ne suis pas très entendue quant aux choses de la vie pratique, mais je m’y mettrai et serai votre ménagère. Ne me remerciez pas, je ne le fais pas de moi-même…

— Comment ne serais-je pas reconnaissant !

— Mais, mon ami, ne cédez pas au sentiment dont vous parliez tout à l’heure ; comment rougir de ce qui a été le plus haut degré de la perfection chrétienne ? « Celui qui s’abaisse sera élevé. » Et ne me remerciez pas. Remerciez Celui qu’il faut prier. En Lui seul nous trouverons la paix, la consolation, le salut, l’amour ! »

Elle leva les yeux au ciel, et Alexis Alexandrovitch comprit qu’elle priait.

Cette phraséologie, qu’il trouvait autrefois déplaisante, paraissait aujourd’hui à Karénine naturelle et calmante. Il n’approuvait pas l’exaltation à la mode ; sincèrement croyant, la religion l’intéressait principalement au point de vue politique : aussi les enseignements nouveaux lui étaient-ils antipathiques par principe. La comtesse, que ces nouvelles doctrines enthousiasmaient, n’avait pas son approbation, et, au lieu de discuter sur ce sujet, il détournait généralement la conversation et ne répondait pas. Mais cette fois il la laissa parler