Page:Tolstoï - Le Faux Coupon et autres contes.djvu/34

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avec lequel il avait bu la veille, lui avait conseillé d’aller se plaindre à un avocat. Il résolut de le faire.


VIII

L’avocat se chargea de l’affaire, non pour le profit qu’il y avait à en tirer, mais parce qu’il crut Ivan et trouvait révoltante la manière dont on avait trompé ce paysan.

Les deux parties comparurent devant le juge. Le portier Vassili était témoin. Au tribunal, la même scène se répéta : Ivan Mironoff invoquait Dieu, et rappelait que nous tous mourrons. Eugène Mikhaïlovitch, bien que tourmenté par la conscience de sa mauvaise action et des conséquences qui en pouvaient résulter, maintenant ne pouvait pas varier dans sa déposition, et, tranquille en apparence, continuait à nier tout.

Le portier Vassili avait reçu encore dix roubles, et, souriant, confirmait avec assurance qu’il n’avait jamais vu Ivan Mironoff. Et quand on lui fit prêter serment, malgré la peur qu’au fond de son âme il ressentait, l’air calme, il répéta après le vieux prêtre la formule du serment, et jura, sur la croix et le Saint Évangile, de dire toute la vérité.

L’affaire se termina de la façon suivante : le juge débouta de sa plainte Ivan Mironoff et le condamna à cinq roubles de dépens, dont, généreusement, Eugène Mikhaïlovitch le tint quitte. Avant de laisser partir Ivan Mironoff, le juge lui adressa une semonce, l’engageant à être désormais plus prudent, à ne pas accuser à la légère les gens respectables,