Page:Tolstoï - Le Faux Coupon et autres contes.djvu/37

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se leva comme à son ordinaire avant l’aube, et, après avoir bu un verre de thé, et endossé sa pelisse à col et parements d’astrakan, il alla à ses affaires.

Piotr Nikolaievitch avait été fonctionnaire dans les douanes, et à ce service avait économisé 18 000 roubles. Douze années auparavant, il avait été forcé de donner sa démission, et avait acheté une petite propriété appartenant à un jeune homme qui s’était ruiné en faisant la noce. Étant encore fonctionnaire, Piotr Nikolaievitch s’était marié. Il avait épousé une orpheline pauvre, issue d’une vieille famille de gentilshommes, une femme grande, forte, jolie, mais qui ne lui avait pas donné d’enfants.

En toutes choses, Piotr Nikolaievitch apportait ses qualités d’homme sérieux et persévérant. Sans rien connaître au préalable de l’exploitation agricole – il était fils d’un gentilhomme polonais –, il s’en occupa si bien que quinze années plus tard la propriété ruinée de trois cents déciatines était devenue une propriété modèle. Toutes les constructions, depuis son habitation jusqu’aux hangars et l’auvent qui abritait la pompe à incendie, étaient solides, bien agencées, couvertes de fer et peintes. Sous le hangar étaient rangés en ordre les charrues, les araires, les charrettes, les harnais, bien graissés et astiqués. Les chevaux, plutôt de petite taille, et presque tous de son propre élevage, étaient bien nourris, forts, et tous pareils. La machine à battre le blé travaillait sous le hangar. Pour le fourrage il y avait une grange spéciale ; le fumier coulait dans une fosse dallée. Les vaches, également de son élevage, n’étaient pas grandes, mais donnaient beaucoup