Page:Tolstoï - Le Faux Coupon et autres contes.djvu/42

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de quelqu’un de la maison, le coup n’aurait pu se faire. Alors il commença à soupçonner son personnel, et se mit à interroger les domestiques pour savoir qui, cette nuit-là, avait découché. Il apprit que Prochka Nikolaieff n’avait pas couché à la maison. Prochka était un jeune garçon, récemment libéré du service militaire, un beau soldat, habile, que Piotr Nikolaievitch avait gagé pour être cocher.

L’inspecteur de police était un ami de Piotr Nikolaievitch, et celui-ci connaissait également le chef de police du district, le maréchal de la noblesse et le juge d’instruction. Tous ces personnages venaient chez lui le jour de sa fête et connaissaient bien ses bonnes liqueurs et ses champignons marinés. Tous s’intéressaient à son histoire et tâchaient de l’aider.

— Voilà, vous défendez les paysans, disait l’inspecteur de police. Croyez-moi : ils sont pires que les bêtes. Sans le fouet et le bâton on n’en peut rien faire… Alors, vous dites, Prochka… Celui que vous employez comme cocher ?

— Oui, lui.

— Faites-le appeler.

On appela Prochka et son interrogatoire commença :

— Où étais-tu ?

Prochka secoua ses cheveux et une flamme parut dans ses yeux.

— À la maison.

— Comment à la maison ! Tous les domestiques disent que tu as découché.

— C’est comme vous voulez.

— Mais il ne s’agit pas de vouloir. Voyons, où étais-tu ?