Page:Tolstoï - Résurrection, trad. Wyzewa, 1900.djvu/586

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— Mais enfin, — dit-il, demandez-lui comment on doit se comporter aujourd’hui à l’égard des voleurs et des assassins !

— Tu lui répondras, — dit le vieillard à Nekhludov qui lui avait transmis la question, — tu lui répondras qu’il doit commencer d’abord par effacer lui-même de son front la marque de l’Antéchrist, et qu’il aura assez d’ouvrage, s’il le fait, pour n’avoir plus le temps de s’occuper des voleurs ni des assassins ! Allons, répète-lui ça dans sa langue !

— Il est bien amusant ! — dit l’Anglais en entendant cette réponse. Et il sourit encore, et sortit de la chambre.

Nekhludov était resté en arrière ; le vieillard, s’adressant à lui, poursuivit son discours :

— Fais ton affaire à toi, et ne t’inquiète pas des autres. C’est Dieu seul qui sait qui punir et qui récompenser. Nous, nous n’en savons rien !

Puis, comme s’il avait renoncé à vouloir convertir Nekhludov :

— Mais non, — lui cria-t-il, — je n’ai rien à te dire. Va-t’en, passe ton chemin. Tu as assez vu maintenant comment les esclaves de l’Antéchrist donnent des créatures humaines en pâture aux poux. Va-t’en maintenant t’amuser ailleurs !


III


Lorsque Nekhludov rejoignit ses compagnons dans le corridor, l’Anglais était arrêté devant la porte entr’ouverte d’une pièce sombre, et demandait au directeur à quoi elle servait. Le directeur répondit que c’était l’endroit où l’on déposait les morts.

— Oh ! vraiment ! — fit l’Anglais, quand Nekhludov lui eut traduit cette réponse. Et il dit qu’il serait bien heureux de pouvoir entrer.

Le directeur fit apporter une lampe, et introduisit les deux visiteurs dans la chambre des morts. C’était une