Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol17.djvu/153

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oublié de payer et le prévint que l’employé attendait, Alexis Alexandrovitch ordonna d’introduire l’employé.

— Votre Excellence voudra bien m’excuser si j’ose la déranger, mais si c’est à madame que nous devons nous adresser, que Votre Excellence veuille bien nous communiquer son adresse.

Alexis Alexandrovitch devint pensif, sembla-t-il à l’employé, et, se détournant tout d’un coup, il s’assit près de la table ; longtemps il resta ainsi la tête appuyée sur sa main, essayant de parler sans y parvenir.

Korneï comprit les sentiments de son maître et fit sortir le commis, lui demandant de repasser. Resté seul, Alexis Alexandrovitch sentit qu’il n’avait plus la force de soutenir son rôle d’homme ferme et calme. Il fit dételer la voiture qui attendait, consigna sa porte et ne sortit pas dîner.

Il sentit qu’il ne pourrait supporter le dédain qu’il lisait clairement sur le visage du commis, de Korneï et de tous ceux sans exception qu’il avait rencontrés depuis deux jours. Il sentit qu’il ne pourrait détourner le mépris public, car ce mépris il ne l’avait pas mérité par sa vilenie (dans ce cas en effet il aurait pu s’efforcer de devenir meilleur), mais bien par la souffrance que lui causait un malheur honteux et misérable. Il sentait que les hommes se montreraient d’autant plus implacables que son cœur était plus meurtri ; qu’ils le déchireraient