Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol17.djvu/18

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Le prêtre garda le silence pendant quelques secondes, attendant que Lévine dît autre chose ; et, fermant les yeux, il reprit avec son accent de la province de Vladimir, en appuyant sur les o :

— Le doute est propre à la faiblesse humaine, mais il faut prier le Dieu miséricordieux pour qu’il nous fortifie… Quels sont vos principaux péchés ? ajouta-t-il sans s’arrêter, comme s’il craignait de perdre du temps.

— Mon principal péché c’est le doute. Je doute de tout ; et presque toujours je suis dans l’état de doute.

— Le doute est propre à la faiblesse humaine, répéta le prêtre. De quoi, principalement, doutez-vous ?

— Je doute de tout. Parfois même, je doute de l’existence de Dieu, dit malgré lui Lévine.

Et il s’effraya de l’inconvenance de ses paroles.

Mais elles parurent ne produire aucun effet sur le prêtre.

— Comment peut-on douter de l’existence de Dieu ? dit-il vivement, avec un sourire à peine perceptible.

Lévine se tut.

— Comment pouvez-vous douter de l’existence du Créateur, quand vous voyez partout ses œuvres, continua le prêtre, de sa voix ordinaire et rapide. Qui a créé la voûte du ciel et les étoiles ? Qui a embelli la terre ? Comment tout cela serait-il possible