Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol19.djvu/189

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personne, et voici qu’aujourd’hui ce grêlé d’Ivan me fait condamner aux verges ; et ce serait moi qui irais lui demander pardon !… Non, non, assez. Ivan se souviendra de moi.

De nouveau sa voix trembla, il ne put en dire davantage, se détourna et sortit.

Du tribunal jusqu’à leurs demeures, il y avait dix verstes ; il était tard lorsqu’Ivan arriva chez lui. Déjà les femmes étaient allées chercher le bétail. Il détela son cheval et entra dans l’izba : personne. Les fils n’étaient pas revenus des champs, les femmes étaient encore au bétail.

Ivan s’assit sur le banc et se prit à songer. Il se rappela la pâleur de Gavrilo à la lecture de l’arrêt, et comme il s’était détourné vers le mur. Son cœur se serra. Il se mit à sa place : si c’était lui, Ivan, qu’on avait condamné aux verges ! Et il se sentit de la pitié pour Gavrilo.

Il entendit tout à coup le vieux qui toussait et se remuait, puis laissait pendre ses jambes et descendait du poêle. Le vieillard descendit et se traîna jusqu’au banc où il s’assit. Cet effort l’avait fatigué : il toussa encore, puis s’accouda sur la table et demanda :

— Eh bien ! Le jugement est-il rendu ?

— On l’a condamné à vingt coups de verges, lui répondit Ivan.

Le vieux hocha la tête ;

— C’est mal, ce que tu fais là, dit-il. Oh ! que