Nous retrouvons à Aigle notre hôte solennel et son garçon, qui n’est plus du tout chevelu. La table se dresse, mais le festin n’arrive pas, et nous en sommes réduits, pour leurrer nos voracités, à vider les carafes au son d’une pendule qui a un timbre du dernier mortuaire. Aussi Édouard pâlit comme un linceul, Ernest dort comme un enterré, Burgess soutient sa malheureuse existence en grugeant le dessert d’un Anglais qui vient de gagner son lit, et Martin Marc s’adonne envers Simond, Marc aussi, à des rires de l’autre monde. À la fin la soupe arrive solennellement, et nous nous régalons au milieu d’un grand vacarme. Ce sont des radicaux d’Aigle qui festonnent sur le pavé, en défiant les tyrans et chantant la patrie à plein gosier, signe de courage, de civisme, mais surtout de vin blanc.
Dès ici, Shall témoigne d’une grande fabulosité. Il ne trouve pas sa chambre, sans que pour cela il la cherche, et il a perdu son sac, sans que pour cela son sac soit bien loin. Une tutelle s’improvise, et tout vient à point.