Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/133

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muets et stagnants sous leurs chapeaux à cornes, ils marchent de cette allure qui n’est ni le pas, ni l’amble, ni quoi que ce soit de définissable, la bête paraît auprès d’eux une commère accorte et bien prise, qui s’en va, en tricotant, vendre son lait aux citadins. Nous traversons Martigny-le-Bourg, et tout à l’heure nous voici tous engagés dans les pentes de la Forclaz, à l’exception de Poletti et de Canta, qui ont manqué le sentier et pris la route du grand Saint-Bernard. Après délibération on les abandonne à leur sort, qui ne peut manquer d’être celui de rebrousser vers le déjeuner aussitôt qu’ils se seront aperçus qu’ils s’en éloignent.

Les pentes de la Forclaz, qui sont rudes à descendre, ne sont pas douces à monter. Outre que le sentier est à peine zigzagué, et que, du bas au haut, les aspects ne changent ni devant ni derrière, l’on n’y rencontre d’ailleurs l’aubaine d’aucun replat consolateur. Mais jusqu’à mi-hauteur, les noyers d’abord, les châtaigniers ensuite, défendent le sol contre les ardeurs du soleil ; et là où de bienfaisants rameaux ne se joignent pas en dôme au-dessus du sentier, on peut le quitter pour suivre le long des vergers l’ombre continue des grands arbres. Quelques touristes nous croisent ou nous dépassent, et aussi un brave homme avec son mulet chargé de deux barils ; cet homme est communicatif. « Tel que vous me voyez, nous dit-il, c’est moi que je les entretiens de vin par là-haut. À minuit je charge ma bête, et j’y grimpe pour redescendre avant la chaleur… et aussi pour