Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/15

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renaissance de la peinture au quinzième siècle, les paysages, comme fond, étaient traités avec beaucoup de soin dans quelques tableaux historiques ; mais ils ne devinrent des sujets même de tableaux qu’au dix-septième siècle : ce fut la conquête des Lorrain, des Poussin, des Ruysdaal, des Karl du Jardin et de ces admirables Flamands que Töpffer saluait les premiers paysagistes du monde. Ils découvrirent ce que les anciens n’avaient qu’à peine soupçonné par le pinceau ; ils réalisèrent aux yeux ce charme que les grands poëtes, Homère, Théocrite ou Virgile, avaient su mettre aux choses simples. Töpffer est un disciple des Flamands. Et ne venez pas lui dire que ces merveilleux peintres des choses naturelles ne font que copier minutieusement la nature. Pour Töpffer, il y a une vie cachée dans tout paysage, un sens, quelque chose qui parle à l’homme ; c’est ce sentiment qu’il s’agit d’extraire, de faire saillir, de rendre par une expression naïve et fidèle qui n’est pas une pure copie. Le paysage, selon Töpffer, n’est pas une traduction, mais un poëme. Un paysagiste est « non pas un copiste, mais un interprète ; non pas un habile diseur qui décrit de point en point et qui raconte tout au long, mais un véritable poëte qui sent, qui concentre, qui résume et qui chante » . Et ce n’est qu’ainsi qu’on s’explique aussitôt et pleinement, dit-il, pourquoi « l’on voit si souvent le paysagiste, qui est donc au fond un chercheur de choses à exprimer bien plus qu’il n’est un chercheur de choses à copier, dépasser tantôt une roche magnifique, tantôt un majestueux bouquet de chênes sains, touffus, splendides, pour aller se planter devant un bout de sentier que bordent quelques arbustes étriqués ; devant une trace d’ornières qui vont se perdre dans les fanges d’un marécage ; devant une flaque d’eau noire où s’inclinent les gaulis d’un saule tronqué, percé, vermoulu… C’est que ces vermoulures, ces fanges, ces roseaux, ce sentier, qui, envisagés comme objets à regarder, sont ou laids ou dépourvus de beauté, envisagés au contraire comme signes de pensées,