villages, sous le porche de l’église ou de la maison commune ; dans les campagnes, sur le plâtre des chapelles écartées… Et pourquoi, Alisi Penay ? c’est que le peuple seul, et parmi les familles d’une classe plus élevée, les enfants seuls, c’est-à-dire ceux que rend semblables entre eux, malgré la différence des conditions, une même franchise d’âme, une même naïveté de cœur, une même absence de vanité, seuls aussi se livrent avec bonhomie à ce désir de laisser sur leur passage quelque trace d’eux-mêmes, ne fût-ce que l’énigme de leur nom et de leur prénom réduits à deux muettes majuscules. Chose curieuse, Alisi Penay, et qui prouve en notre faveur, à Herculanum, à Pompeï, sur les murailles d’écoles et sur les murailles de corps de garde, on trouve griffonnés des noms de soldats, des noms d’écoliers, et point dans les villas, point dans les cours intérieures, des noms de fashionables du temps.
Pour nous, si, réservé comme tant d’autres, si, comme tant d’autres, crainte d’encourir la sentence du dicton, il ne nous est pas arrivé de charbonner notre nom sur le plâtre ou de le graver sur les tables des hôtelleries, c’est sans dédain du moins comme sans blâme ; c’est avec amusement aussi, que tant de fois nous avons considéré et lu des kyrielles d’Alisi Penay inscrits tantôt sur les murailles d’habitation, tantôt dans les grottes et dans les passages de rare ou de difficile accès. En contemplant ces kyrielles, il nous semblait, en vérité, que nous fussions en compagnie de bonnes gens, et non pas en compagnie de barbus, de chevelus, de pekoe ou de gourmés ; au milieu d’hommes sains de cœur et vivants de naturel, et non pas au milieu de froids automates mis en mouvement par les cent mille ficelles du paraître au milieu de nos semblables, et non pas au milieu d’espèces non moins déplaisantes que nouvelles ou inconnues. Et quel chapitre, pensions-nous, il y aurait à faire sur la physionomie graphique de ces noms tracés, les uns avec une gravité drôle, les autres avec un gauche apprêt, les uns décelant le loisir ou la hâte, le repentir ou la fanfaronnade, les autres solennels comme un maître d’école, vulgaires comme un parafe de courtaud, ou empâtés comme un bonjour de crétin. Ce chapitre, il manque à l’ouvrage de Lavater, et c’est grand dommage.
À notre tour nous atteignons aux pâturages en nous dirigeant droit sur le chalet des Mottets, dont la grise toiture brille comme un point clair sur les sombres herbages du verdoyant abîme. Par malheur, un torrent nous séparait de ce chalet, et il se trouve à la fin que, plus nous avons tendu en ligne directe sur notre gîte, plus nous nous sommes éloignés, en ligne directe aussi, du seul pont par lequel on peut y arriver. De là l’impérieuse