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Töpffer, qui se sépare de nous gens du centre, qui est en indépendance et en réaction contre la littérature française de la capitale, et qui la juge, nous semble parfois bien sévère et même injuste. Ce n’est pas le moment de discuter quelques-uns des noms qu’il met en cause : il apprécie les talents célèbres et en vogue, moins encore en eux-mêmes, ce semble, que d’après leurs disciples et leurs influences ; il a de ces condamnations décisives, anticipées, qu’entre contemporains et artistes qui courent plus ou moins la même carrière il faut laisser au temps seul le soin de tirer entièrement. S’il vivait, il n’aurait sans doute qu’à se relire, nous n’aurions pas même à le lui faire comprendre. Et n’est-ce pas lui qui a dit quelque part : « Les auteurs vivants jugent mal les auteurs vivants ? »

Les sentiments élevés, ceux que naturellement la pensée de sa mort réveille, nous reviennent à son sujet. Il a raconté dans le présent volume sa visite en deux asiles consacrés par la religion, à la Grande-Chartreuse en 1833, à l’hospice du Saint-Bernard en 1842. Il nous semble qu’il manque quelque chose à sa visite de la Grande-Chartreuse ; il est novice encore, son monastère est trop effacé ; il nous peint la haute vallée plutôt que le but même ; il n’a pas l’hymne du chartreux, l’allégresse du cloître, le crayon de Lesueur et de saint Bruno. La sympathie, sans lui faire défaut, y est mêlée de quelques tons qui crient. Mais à l’hospice du Saint-Bernard, c’est différent : l’hospitalité cordiale l’a gagné, et aussi l’aspect de l’humble foule agenouillée le jour de la fête du couvent l’a pris au cœur. Le peintre en lui et le chrétien se sont rencontrés : « Ô le pittoresque spectacle ! s’écrie-t-il à la vue de l’évêque de Sion officiant en personne et de sept cents fidèles environ accourus d’Aoste, du Valais, de Fribourg, priant debout, agenouillés ou assis par rangées sur les degrés et refluant jusque dans l’étage supérieur. Des vieillards, des petits garçons, des jeunes filles, des mères et leurs