le théâtre ! D’un saut nous y sommes. Le curé est là qui, entouré de paysans, de scies, de cognées, ici fait abattre, là fait équarrir, tandis que, de sa personne, il orne le fond de la scène de jeunes sapins, et la devanture de rideaux amarante. Le tout est d’un aspect beaucoup plus attrayant qu’étrange, quand déjà le lieu même où se font ces préparatifs, la magnificence de la journée, le neuf, l’imprévu de ce spectacle nous disposent à le contempler avec une sorte d’enchantement. Que l’on se figure, en effet, au bas d’une prairie inclinée d’où le regard plane sur le fond de la vallée, ou bien va s’arrêter contre les belles montagnes de l’autre revers, un vaste tréteau élevé sur des troncs d’arbres équarris, ceint de feuillage, orné de draperies et surmonté de flottantes bannières ; en avant, des bancs frustes disposés en amphithéâtre sur un terrain montant ; derrière, et comme pour servir de loges, une chaîne de rochers moussus, ici percés de niches, là saillants en gradins, et dont le sommet couronné de grands arbres se perd dans la nuit des rameaux… C’est là que devant tout un peuple de montagnards va se jouer le Schauspiel. Mais n’anticipons pas sur les choses d’après-demain, et en annaliste scrupuleux, plaçons à son heure chaque aventure, à sa minute chaque événement.
Au delà de Stalden, la vallée se resserre en abrupt défilé, et le sentier qui coupe obliquement les rampes de la rive gauche du torrent, tantôt longe le précipice, tantôt se fraye un étroit et pittoresque passage entre les arêtes rocheuses qui descendent des sommités. Alors ardu et taillé en degrés inégaux, ou bien il est bordé de fraîches excavations tapissées d’herbages et de fleurs dont les tendres couleurs brillent d’un charmant éclat au sein de caverneuses noirceurs, ou bien de frêles bouleaux, dont le feuillage frémit au moindre souffle, inclinent au-dessus de lui leurs indolents rameaux et y entretiennent un transparent ombrage. Pour le paysage de détail, à la fois délicat et sauvage, c’est de quoi s’arrêter à chaque instant ; c’est encore, pour qui aurait la vue saine, et non pas une paire d’yeux maladifs que la lumière offusque et que le travail tue, de quoi former les plus doux projets de retour dans ces lieux, de commerce avec ces herbages, avec ces bouleaux, de longues et silencieuses journées consacrées tout entières à la récréative étude de tant de naturelles beautés éparses parmi ces rochers, ou prodiguées le long de ce sentier perdu.
Les bouleaux sont nombreux dans cette première partie de la vallée de Zermatt. Pour le paysagiste, c’est quelque chose déjà, car cet arbre est rare dans nos contrées autant qu’il est svelte, fin, rempli de grâce mélancolique. Mais en outre, et c’est ce qui peut excuser ce ton d’élégie que