que les Chenalettes, parce qu’ici le danger, tout aussi réel, n’excite aucune défiance : l’histoire de se mouiller les chevilles, voilà tout. Et cependant, deux pieds, trois pieds de cette eau fougueuse, et il est aussi impossible de n’être pas emporté, jeté sur des rocs, saisi par des tournants, qu’il est impossible de se diriger ou de se maintenir en se mettant à la nage. Que l’on trempe seulement le bout de sa pique, ou, mieux encore, que l’on lance dans cette sorte de ruisseaux-là une souche, un tronçon d’arbre plus pesant qu’un homme, et l’on sera à même alors d’apprécier la violence avec laquelle ils poussent, ils entraînent, ils brisent… En un clin d’œil le tronçon est loin, bien loin, ballotté, refoulé, lancé, disparu, et l’on frémit en songeant à ce qu’il pourrait advenir d’un enfant qui, dans son inexpérience ou son étourderie, aurait cru pouvoir dédaigner de compter avec cette onde en apparence folle et pétulante, en réalité brutale et impitoyable. En pareille occasion, dès que la tête tourne, ou dès que le pont fait mine de vouloir vibrer trop pittoresquement sous les pas, il n’y a pas à hésiter : avancer est dangereux, rebrousser est impossible… On se met donc à cheval, et, en quatre temps, six mouvements, l’on touche à la rive. Une fois nous avons dû notre salut à l’emploi de ce procédé, fort simple à la vérité, mais dont l’idée ne nous vint pourtant qu’au moment où nous étions en chemin déjà de tomber dans la Dioza. C’est ce torrent qui, à deux pas de Servoz, se jette dans l’Arve, droit au-dessus de l’endroit où cette rivière forme une bruyante cataracte.
Après Randah nous recueillons les premières nouvelles de la tragédie