haillon, tous les signes accumulés de l’obscurité et de la pourriture des cachots. Aussi ces figures sont belles, et au moment où elles passent des cages sur la scène, un mouvement d’horreur et de pitié se marque dans l’assemblée.
Cette scène des prisonniers, celle où se démènent les diables, nous ont paru les plus frappantes sinon les meilleures du drame ; mais il en est deux autres qui méritent d’être notées. L’une, c’est celle où la femme du geôlier chez lequel Rosa est entrée comme servante, gourmande, raille, malmène cette pauvre enfant. Ici, le bon curé qui a composé la pièce s’est donné la licence d’être familier, comique, et il fait dire à cette mégère une foule de propos à la fois altiers et communs, moqueurs et criards, qui portent à son comble l’hilarité de l’assemblée, et qui lui font presque perdre de vue les infortunes de l’héroïne. Mais cette note comique ne se prolonge pas, et nous avons reconnu à ceci, comme à bien d’autres choses, comme à la teneur du programme lui-même, la trace d’une direction intelligente et d’un esprit qui est supérieur à l’œuvre qu’il produit, si on n’envisage cette œuvre qu’au point de vue de l’art. L’autre scène, c’est celle où Rosa, errante dans la forêt, y aperçoit des bûcherons. Dans ce moment-là ces bûcherons sont à l’œuvre : ils coupent, ils taillent, puis ils s’arrêtent comme pour se reposer, et tout à l’heure ils se mettent à chanter en chœur. Il y a dans cette scène une fraîcheur charmante, une naïveté qui depuis longtemps a disparu des théâtres, et rarement nous avons écouté avec un charme aussi vif une musique aussi réduite à n’être qu’une mélodie pure, simple, presque enfantine. Un compositeur, pensions-nous, qui se trouverait assister à ces chants sans art, y puiserait l’idée de quelque effet musical expressif, neuf, destiné à enchanter même des dilettanti d’opéra.
Que si nous résumons maintenant l’effet que doit produire sur les hommes auxquels elle est destinée une représentation comme celle qui a eu lieu à Stalden, nous n’hésitons pas à croire, qu’à la condition qu’une pareille représentation ne se répète qu’à de très-longs intervalles, elle ne peut que produire l’effet moral le plus salutaire et le plus durable. Ceci frappe, touche, élève également les âmes de ces montagnards. Au sortir d’une fête pareille, ils s’en retournent sur leurs rochers approvisionnés d’impressions saines, fortes, pieuses ; de tableaux et d’exemples dont longtemps la tradition va remplir avec avantage leurs entretiens et amuser utilement leurs veillées. Ils n’ont entrevu du beau que son côté sérieux, de l’art que ses applications respectables, de la scène que son éloquente