qui brille à l’horizon, noirceur pour noirceur, nous ne saurions en vérité vers laquelle tendre… Cette lumière, c’est justement l’auberge. Dès que nous en avons franchi le seuil, adieu fatigues, noirceurs, regrets, mécomptes : tout y est radieux, même la douteuse lueur de deux minces chandelles ; tout y est sofa, banquet, couche molle, même les bancs, les choux, le petit salé, la clarette, et aussi les lits quelconques où nous allons bientôt nous étendre. Encore une fois, il n’y a de Chanaan, il n’y a de terre promise qu’au bout du courage, qu’après la lutte et qu’au prix de la victoire.
Ce souper nous est servi par l’hôte en personne et par ses deux filles, dont l’une, dit-il, est mariée, mais l’autre ne trouve pas. Il en va donc à Obergesteln comme il en va à Berg-op-Zoom, et à Genève aussi : des demoiselles de l’endroit, l’une trouve, l’autre ne trouve pas ; en sorte que l’une est pourvue, l’autre continue d’attendre ; l’une est mère, l’autre est tante ; l’une connaît les joies de l’hyménée, et parfois les trouve amères, l’autre connaît les amertumes de la viduité, et parfois les trouve préférables encore à la chance qu’elle n’a pas courue d’être mal mariée. À le bien prendre, il devrait y avoir dans ce sentiment-là de quoi consoler toute vieille fille de n’avoir pas vu sa noce.
Quant à l’hôte, ce qu’il a de remarquable, c’est qu’il est triglotte ; triglotte en ce sens qu’il sait mal trois langues, au lieu d’en savoir une passablement. C’est le cas de plusieurs dans cette contrée, où, en rapport continuel avec le bas Valais comme compatriotes, avec Berne par le Grimsel, avec le Tessin par la Furca et le Saint-Gothard, ils parlent d’italien bâtard, d’allemand fautif et de français manqué, juste ce qu’il leur