Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/38

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Pendant que ces choses se passent, l’avant-garde a fait connaissance d’un honnête charbonnier qui s’en retourne au bois pour y prendre un chargement. Ce bonhomme invite les voyageurs à entrer dans son chariot, où il a déjà recueilli une femme ; mais à peine ils viennent de s’entasser sur l’arrière de la caisse qu’elle bascule et les verse dans l’ornière, pendant que le train de devant se sépare et poursuit, traîné par les trois rosses qui goûtent fort cette façon d’aller. L’honnête charbonnier, qui est sourd de nature, se retourne à la fin, et apercevant la solution de continuité qui s’est opérée dans son attelage, il se prend à rire, les poings sur les côtés, en homme qui ne rit pas tous les jours.

Nous arrivons à un endroit où la route est supportée par une suite de ponts construits sur des torrents la plupart à sec dans ce moment. Auprès de l’un d’eux un paysan nous aborde : « Eh ! dites voir ? — Eh bien ? — Voyez-vous pas les baragnes (les garde-fous du pont) ? — Eh bien ? — Ça sert à prendre les lièvres. — Oh, oui ! — Voici comme. Vers minuit ils viennent se pourmener le long, par suite de quoi ils voient leur ombre qui se pourmène là-bas dans le précipice, et la voulant joindre, ils chutent dans ces graviers ousqu’on va les ramasser à l’aube. Sûr comme vous me voyez !… » Or, nous le voyons distinctement.

À peine avons-nous perdu de vue l’homme aux baragnes, qu’une famille étrange se présente à nos regards. Ce sont des bohémiens, tout semblables à ceux qu’on voit dans les gravures de Callot, portant avec eux enfants, bagages, et disant la bonne aventure. Plusieurs des nôtres profitent de