Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/40

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C’est dans ces chantiers que nous allons promener nos loisirs, au milieu des travailleurs qui répondent complaisamment à toutes nos questions. Ces hommes construisent toute l’année de grands bateaux d’environ quatre-vingt pieds de longueur, qui, chargés de marchandises, descendent le fleuve jusqu’à Lyon, où ils demeurent tout le reste de leur vie, qui est environ six ou sept ans. Ces bateaux, très-solides d’ailleurs, sont construits au moyen des procédés les plus simples et les moins coûteux, entièrement chevillés en bois et calfeutrés d’herbes et de mousses. Nous assistons aux diverses périodes de leur fabrication, et nous quittons ces lieux, émerveillés de tout ce que présente l’ingénieux cette seule industrie.

De retour à l’hôtel, M. Töpffer prend des informations sur la route que nous avons à suivre le lendemain et sur le lac du Bourget, qui passe pour peu sûr. C’est alors qu’un petit M. Jabot officieux, un homme ivre et un tailleur se chargent de l’informer de tout, mais par malheur ces trois personnages ne sont d’accord sur rien. L’homme ivre trouve toutes les distances courtes, le lac bon, les bateaux excellents ; le tailleur voit partout des distances énormes et des tempêtes furieuses, quoique, au fond, dit-il, le lac soit bon. Quant au petit M. Jabot, homme supérieur et de la haute société de Seyssel, il gémit de se voir accolé à de simples prolétaires, et il espère, en les contredisant sur chaque point, de parvenir à capter pour lui seul l’entière confiance des nobles étrangers. « N’écoutez pas ces gens, nous dit-il, l’un est forgeron, l’autre est un tailleur… » Puis, se hâtant de changer d’objet : « Ces messieurs verront Hautecombe, c’est un site très-favorisé. Le lac est majeurement bon, et d’ailleurs ce pays-ci apprécie les étrangers. — Le bateau, reprend l’homme ivre, est