Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/419

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grillé, à deux lieues encore de Faverge, petit bourg situé tout au bout du ruban qui s’ouvre devant nous. Plusieurs, entièrement démoralisés à cette vue, refusent le service, et s’en vont soutenir leurs havre-sacs et appuyer leurs reins contre une clôture… Mais, crac ! la clôture crie et se rompt, et voilà toute l’honorable société les jambes en l’air, le dos sur le pré. Heureusement c’est un marécage, sans quoi elle y serait encore.

Engagés dans le ruban, nous y voyons de loin un homme appuyé sur sa pelle, qui de sa main fait lorgnon pour nous considérer. Puis, comme nous approchons : « Bonjour, s’écrie-t-il, brave jeunesse ! — Bonjour, bonjour ; mais pourquoi donc nous lorgnez-vous ? — Pour vous mieux voir, par rapport que le soleil me blesse, ayant les yeux en piètre état et comme inquiétés par du vinaigre. — Et pourquoi choisissez-vous alors ce moment pour travailler ? — Que voulez-vous ? je ne le choisis pas. Mais si l’inspecteur vient à passer et qu’il ne me trouve pas à l’ouvrage, adieu ma place ! et je vis de ça, moi. » M. Töpffer lui posant sur le nez ses lunettes noires : « Essayez un peu si cela vous va ? — Hé ! sainte Vierge !… Hé dites voir ? plus de soleil : c’est l’heure du soir ! » Puis ôtant, remettant les lunettes : « Se les mettre, reprend-il, c’est comme si vous me laviez d’eau