Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/90

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Vers le sommet du col, nous trouvons un peu d’air, et à quelque distance, sur l’autre revers, dans une solitude plutôt déserte qu’ombreuse, le couvent de Samiers. C’est un grand bâtiment délabré que l’on s’occupe de restaurer, mais qui n’offre pas ces pittoresques accessoires, ces avantages de situation et de vue qu’on vient ordinairement chercher à coup sûr dans les retraites que se sont choisies les moines. Ce que nous y trouvons d’admirable pour le quart d’heure, c’est une grande salle voûtée, obscure, fraîche, où l’on nous sert quelques vivres et d’excellent vin.

Sur ce revers, la descente est agréable, mais nous avons laissé nos forces sur les rocs de Chevron, et plusieurs font mine de vouloir planter là leur havre-sac, afin de pouvoir porter au moins leur personne jusqu’à Faverge, lorsque paraît à l’autre bout du chemin une sorte de crétin triomphateur, qui s’avance canne en main et poing sur le côté. « Combien te faut-il, lui dit M. Töpffer, pour porter cinq de nos sacs jusqu’à Faverge ? — Vingt sous, et je serai content. — Prends-les. » Aussitôt le pauvre diable ajuste la charge sur son dos, et comme si ce n’était rien du tout, il cabriole d’allégresse et nous précède en chantant à tue-tête.

« Où demeurez-vous, bonhomme ? lui demande M. Töpffer. — Partout où je travaille. — Où sont vos parents ? — Morts ; je les ai pas connus. — Que gagnez-vous ? — Quatre sous, cinq sous, quand l’ouvrage va. — Et