La nuit était venue. Je me séparai tristement du portrait, et je me retrouvai bientôt dans ma chambre, au moment où l’on m’apportait de la lumière et mon souper.
Dans l’état d’agitation où je me trouvais, je n’avais ni faim ni sommeil ; aussi je ne songeai qu’à me mettre vite à l’ouvrage, afin d’être en mesure de présenter à M. Ratin les preuves visibles de mon travail et de mon entière régénération, à quelque moment qu’il vînt me surprendre.
Après César, Virgile ; après Virgile, Bourdon ; après Bourdon, trois pages de composition ; après les trois pages… je m’endormis.
Je fus bien étonné d’être réveillé au petit jour par une voix qui psalmodiait à plein gosier. Je prêtai l’oreille… c’était le prisonnier. Il continua sur un ton moins éclatant, et finit par cesser tout à fait. Cette pratique pieuse me donna de cet homme une opinion presque favorable. Après quelque silence :
— Vous avez, me dit-il, bien travaillé cette nuit ?…
— Chantez-vous ainsi tous les matins ? interrompis-je.
— Dès mon enfance… Pensez-vous que, sans les consolations de la religion, je pusse ne pas succomber à mon infortune ?
— Non. Je m’étonne plutôt que la religion ne vous ait pas détourné du crime qui vous a conduit en prison.
— Ce crime, j’en suis innocent. Dieu a permis l’erreur de mes juges ; que la volonté de Dieu soit faite ! Je serais résigné, ajouta-t-il, si seulement, avec la nour-