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les noix et folâtré dans les foins ; pas un cerisier du verger, pas un pêcher de ceux qui cachaient au midi le mur de la cure, qui ne se distinguât pour nous de tous ceux du monde entier par mille souvenirs que ramenait, comme les fruits, chaque saison nouvelle. J’avais (l’enfant est sujet aux mauvaises pensées), j’avais, pour elle, picoré les primeurs chez les notables du voisinage ; pour elle encore j’avais eu des affaires avec le chien, avec le garde champêtre, avec le municipal ; incorrigible tant qu’elle aima les primeurs. Dans ce temps-là, tout entier au présent, j’agissais, je courais, je grimpais ; je songeais peu, je rêvais moins encore, si ce n’est parfois, la nuit, au garde champêtre.




Mais ce jour dont je parle, ce n’était pas du garde champêtre que j’étais occupé. Et puis il était mort ; et son successeur, m’ayant trouvé plus souvent solitaire au bord de la mare qu’attentif aux primeurs, avait conçu de moi une opinion très-avantageuse. Cet homme sensé avait deviné que la préférence que je marquais pour les arides bords de la flaque ne pouvait provenir que d’une préoccupation entièrement étrangère à cette préoccupation des primeurs que son métier était de contenir dans de justes bornes.

En effet, malgré l’ingrate aridité de ses étroites rives, j’avais pris en affection singulière cette petite mare et son saule ébranché. Peu à peu j’en avais fait mon domaine, sûr que j’étais, à l’heure de midi, de n’y rencontrer personne que les trois canards, dont la tranquille société me plaisait beaucoup depuis que le sentiment de leur présence s’était associé au charme de mes rêveries.