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du portier, me revenant en mémoire, devenaient alors mon unique espérance.

C’était dimanche, les cloches appelaient les fidèles au temple, et leur son monotone ramenait du calme dans mon âme. Elles se turent, et le silence des rues encouragea ma pensée qui s’était portée au delà des obstacles. Bientôt l’harmonie des chants sacrés, le son grave des orgues se mêlant doucement à ma rêverie, j’en vins insensiblement à me figurer moi-même au milieu des fidèles, jouissant d’un tranquille bonheur auprès de ma compagne, tous les deux lisant au même psaume, ses belles paupières baissées sur le livre ; son haleine se mêlant à la mienne, et une douce félicité devenue notre partage sur cette terre et notre commune attente dans l’autre.




Mais une juive au sermon ! — Non, cette idée ne me vint pas. Un cœur épris ne convie à ses rêves que ses désirs et son imagination, société douce et facile que rien ne gêne dans ses ébats. Hélas ! je suis revenu depuis sur la terre, j’ai cheminé en compagnie de la réalité, sous la férule du jugement et de la raison ; ils ne m’ont pas donné tous ensemble, ces rigides précepteurs, un moment qui se puisse comparer aux célestes émotions d’alors. Pourquoi faut-il que ces moments soient si courts et qu’ils ne se retrouvent plus ?

J’ignorais le nom, la demeure de celle qui s’était ainsi emparée de mon existence. J’attendis avec une croissante impatience l’heure du lundi. Elle ne parut pas. Le mardi et le mercredi se passèrent de même. J’appris que depuis deux jours le malade auquel elle avait donné ses soins était mort. Le vendredi, impa-