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chef d’un parti, le rédacteur d’une feuille populaire ; encore en ce moment-là vous ne tirerez gloire que d’une chose, à savoir d’être de ce petit peuple, d’être sorti du sein de ce petit peuple, de vouloir mourir au sein de ce petit peuple, et pour lui, si possible ; mais vos gants blancs, votre habit fin, votre linge frais, votre badine à l’occasion, et votre binocle au besoin, témoignent contre votre assertion. Vous vous dites du petit peuple, et vous vous trouveriez offensé que l’on vous prît au mot.

Comme vous voyez, l’exception confirme la règle.




Or c’est un fait que je suis resté petit peuple. Je tâche de n’en tirer ni vanité ni honte, bien que j’éprouve que c’est excessivement difficile.

Je passe à mon autre assertion.

Mon oncle Tom avait de grandes préventions contre la profession d’artiste ; il la trouvait peu digne d’un être pensant, et très-impropre à faire vivre un être mangeant, buvant, et surtout se mariant. Ce qui est bizarre, c’est qu’en dédaignant l’artiste il honorait particulièrement l’art, en tant que l’art tombe dans le domaine de l’érudition, qu’il est matière à recherche, à mémoire. Mon oncle avait écrit deux volumes sur la glyptique grecque.

Pour moi, je n’avais que faire de la glyptique grecque ; mais, bien jeune encore, la fraîcheur des bois, le bleu des montagnes, la noblesse de la figure humaine, la grâce des femmes, la blanche barbe des vieillards, m’avaient séduit par de secrets attraits, plus vifs, plus pressants encore quand j’avais rencontré, sur la toile ou sur le papier, l’imitation de ces choses qui me charmaient. Mille gauches essais, épars sur mes cahiers,